L’Ajis a décerné son Prix 2025 de l’information sociale à Solène ALIFAT étudiante à l’Institut Pratique du Journalisme – Paris Dauphine, pour son podcast sur “A la recherche de la voix perdue“.
Elle a reçu son diplôme des mains de Madame la Ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, mercredi 2 juillet 2025, à l’hôtel de Pomereu du Groupe Caisse des Dépôts.
L’AFPA a remis également la mention spéciale du Prix à Héloïse PONGNAN et Lou Ann AUVRAY, étudiantes au Centre de Formation des Journalistes (CFJ) pour leur enquête sur “Métiers en tension : la pêche laissée à quai“.
Ce prix a été crée pour rendre hommage aux journalistes et au responsable de l’Afapa qui sont décédés losr d’un accident d’avion, au cours d’un voyage d’étude organisé par l’Ajis et l’Afpa, en décembre 1984.
Félicitations aux lauréates et à tous les candidats pour la qualité de leur travail. Nous sommes heureux que de jeunes journalistes talentueux s’intéressent à l’information sociale.












crédit photos : Héliéna Barthel
Discours de la présidente de l’Ajis, Sophie MASSIEU :
Madame Astrid Panosyan-Bouvet, Madame la ministre,
Madame Marie-Anne Kermoal-Berthomé, Madame la directrice des politiques sociales de la
Caisse des dépôts
Monsieur Hugo Douard, directeur des relations institutionnelles et affaires publiques de
l’AFPA,
Céline Valensi, secrétaire générale de l’Ajef,
Chères lauréates (eh oui, toujours des demoiselles, année après année)
Chers adhérentes et adhérents,
Chers partenaires,
Mesdames, Messieurs,
Bonjour à tous et toutes,
Tous les ans à cette période, J’en appelle au peuple. Venez ! C’est bientôt la fête pour la
remise du prix Ajis de l’information sociale ! Et vous savez quoi ? Avant de me demander le
sujet qui l’a emporté, on m’interroge avec gourmandise : « C’est où ? Comme l’an dernier ? »
Car oui, ce lieu, et l’appui de la Caisse des dépôts comptent pour la réussite de ce bel
événement. Alors, je vais commencer par remercier toutes les équipes de cette institution qui
nous accompagnent depuis le mois de janvier précédent cette cérémonie de remise de prix,
particulièrement estival cette année.
Ceux qui me connaissent le savent, je peine à me plier aux règles, et aux protocoles, alors
commencer par la fin, les remerciements, ça me convient bien…
Autre chose qui ne se fait jamais pendant un discours : on va jouer ensemble ! Figurez-vous
que les membres du bureau de l’Ajis sont tous extrêmement impliqués et engagés pour notre
belle association. Mais ils sont aussi, et heureusement, toujours prêts à plaisanter. Alors
imaginez-vous que cette année, quand on parlait de ce moment que nous sommes en train
de vivre, du discours que j’aurais à écrire, ils m’ont dit que je devais caser deux mots, assez
peu en lien avec notre sujet il faut bien l’avouer. Pensaient-ils que je ne relèverais pas le
défi ? Je ne crois pas, ils me savent encore moins sage qu’eux. Par ailleurs, écouter des
discours, en général, ça embête tout le monde. Et pourtant, les gens qui les prononcent, et
hélas je n’échappe pas à la règle, croient qu’ils ont des choses importantes à dire… Alors,
pour vous amener à dresser l’oreille, je vous invite à retrouver les deux mots qui sans les
confrères et consœurs membres du bureau Nicolas, Alexandra, Fabrice, Catherine, Marie-
Aude, et notre secrétaire Héliéna, qui n’était pas la dernière, n’auraient jamais trouvé droit de
cité dans un discours ajissien. Le premier qui, à l’issue du discours, me donne les deux mots
gagne son adhésion gratuite l’an prochain, qu’il soit adhérent journaliste ou partenaire. J’ai
évidemment glissé quelques pièges pour corser la sauce. Voilà, à partir de maintenant, tout
peut arriver…
Beaucoup d’entre vous le savent, Depuis bientôt 40 ans, l’Association des journalistes de
l’information sociale récompense de jeunes confrères et surtout, consœurs (plus le métier se
précarise, plus il se féminise) pour des enquêtes, des reportages, de presse écrite, ou
audiovisuels. Des sujets de formes différentes mais qui tous ont un point commun : celui de
traiter de thèmes du champ de l’information sociale. Autrement dit de la lutte contre les
exclusions et discriminations, du travail et de l’emploi, de la protection sociale, de la
formation professionnelle… Peu d’entre vous l’ignorent, ce prix a été créé à la mémoire de
cinq anciens journalistes-adhérents et un dirigeant de l’Afpa. En décembre 1984, ils ont
perdu la vie dans un accident d’avion ou juste après sa survenue. Ils revenaient d’un
déplacement organisé en Suisse et en Italie par l’Ajis et l’Afpa. Je salue Raphaël et Mathieu
lance à nos côtés aujourd’hui, les fils de l’une des victimes, et de Gérard Deletang, et peut-
être quelques autres, présents aussi ce jour-là. Nous n’oublions pas les racines de ce beau
prix, et avons une pensée pour les victimes et leurs proches.
J’avoue ne pas avoir fouillé dans nos archives mais de mémoire de nombre des membres du
jury, c’est la première fois au moins de longue date que les deux prix cette année couronnent
deux productions audiovisuelles : une enquête radiophonique, et un reportage vidéo. Ce qui
devient de plus en plus fréquent, en revanche, c’est le nombre de sujets présentés, et cette
année encore gagnants, qui traitent du travail et des conditions de travail. Madame la
Ministre, sans doute faut-il y voir un sujet qui devient préoccupant.
Solène Alifat, vous êtes étudiante à l’IPJ, à Paris. Et vous nous avez proposé un sujet très
fouillé et bien mis en ondes sur la voix des enseignants. Lou-Ann Auvray et Héloïse
Pongnan, étudiantes au CFJ, la mention spéciale AFPA vous récompense pour un reportage
sur les métiers en tension : la pêche laissée à quai. Le premier sujet interroge la santé au
travail, le second aborde, entre autres, l’accueil de plus en plus disons timoré réservé aux
personnes venant d’au-delà des frontières. Félicitations Mesdemoiselles. Nous allons vous
remettre vos prix et diplômes, et pouvoir découvrir vos sujets, dans quelques instants. Nous
espérons que vous avez pris autant de plaisir à vous investir dans le champ de l’information
sociale que nous en avons eu à prendre connaissance de votre beau travail.
De votre beau travail et de celui de nombreux autres jeunes journalistes, car cette année, la
moisson était encore fort belle. Les vieux que, pour beaucoup nous sommes dans cette
assistance au regard de votre âge à vous, se réjouissent que vous preniez la relève et
repreniez le flambeau d’un secteur d’information, et d’un métier, chaque année davantage
malmenés.
Malmenés et de plus en plus, par le contexte économique de la presse. Avec des
abonnements souvent en baisse, des publicités qui suivent, et une concentration aux mains
de quelques-uns qui s’amplifie sans cesse, au prix de lignes éditoriales parfois très
orientées. Malmenés aussi par des coupes budgétaires et des projets de holding dans le
service audiovisuel public. Malmenés encore par la suppression de subventions publiques
(on peut, madame la ministre, penser dans ce cadre à des publications que vous connaissez
bien, qui traitent de la formation professionnelle) ou, pire encore, par la menace issue du
ministère de la Culture de verser des aides à la presse à des journaux… sans journalistes !
Une mobilisation inter-syndicale et inter-associative a pour l’heure permis de voir la
publication du décret reportée. Mais pour combien de temps ?
Or, il y a péril en la demeure. Péril économique, je l’ai dit, mais péril aussi sur le fond. Car de
plus en plus d’expériences sont menées, y compris dans des groupes de presse qu’on
croyait sérieux, d’utilisation de l’intelligence artificielle pour produire des images et des
textes. Pas comme outil qui faciliterait le travail de professionnels. Mais tout bonnement
comme des robots qui pourraient copier coller à l’infini des informations non vérifiées, peu
sourcées, stéréotypées.
Alors que les autoritarismes gagnent du terrain, y compris dans les démocraties qu’on
croyait libérales, l’Ajis sera de ceux qui enfourchent le cheval de bataille, pour tenter d’éviter
le pire. Depuis bientôt 60 ans, notre association, forte de plus de 250 journalistes adhérents
et d’une centaine de partenaires, milite pour défendre une information sociale de qualité. Le
combat, année après année, devient de plus en plus âpre, inutile de se voiler la face. Et on
ne peut pas dire que nous soyons aidés par nombre des décideurs en place. Pour ne
prendre qu’un seule exemple, et pour profiter de votre présence, Madame la ministre, je
parlerai de la difficulté, pour ne pas dire avec certains de vos collègues l’impossibilité malgré
des invitations renouvelées, que nous avons à accéder aux ministres en poste : les
invitations Ajis non honorées (pas par vous et nous vous en remercions chaleureusement !),
des boucles WhatsApp où les commentaires et questions sont initialement interdits par leurs
administrateurs, les communicants, les brief off téléphoniques qui fleurissent en lieu et place
des conférences de presse qui permettaient, à tout le moins, de pouvoir interroger le ministre
et pas un membre de cabinet servant des éléments de langage.
Le bouillon est amer. Mais l’Ajis combative. Elle reste en veille et active contre les mesures
qui pourraient atteindre la liberté d’informer. Elle nous invite, nous, professionnels, à
interroger nos pratiques, comme dans deux jours, en échangeant avec le Conseil de
déontologie journalistique et de médiation. Elle continue d’organiser nombre de formations,
débats, états des lieux de la recherche, comme la semaine prochaine autour des enjeux du
financement de la retraite.
Pour réaliser tout cela, pas de baguette magique ! Mais des bénévoles. Ceux, membres du
comité de direction, qui organisent ces événements, ceux qui assument la gouvernance et
donc la responsabilité des décisions de l’Ajis. Mais ceux, aussi, et ils sont infiniment précieux
même si leur travail se voit moins, qui réalisent l’hebdo qui nous arrive tout frais chaque
lundi, avec le petit café du matin. Je ne le dis pas par politesse ou pour la formule : je sais ce
qu’on vous doit collectivement, et je vous en suis très reconnaissante. Comme elle adore ça,
saluons aussi publiquement le travail d’Héliéna, notre efficace soutien au quotidien, avec qui
j’éprouve beaucoup de plaisir à former un tandem.
Voilà, je vais bientôt me taire, ce discours trop long mais garanti zéro IA, s’achève. Mais
avant qu’on puisse partager quelques ravioles et autres canapés pendant le cocktail et, oui,
Sabine, du champagne aussi, je vais céder la parole à Madame la ministre, pour la remise
du prix.
Merci