Retrouvez le discours de Véronique Hunsinger, secrétaire générale de l’Ajis, lors des voeux à la presse de Marisol Touraine.
Madame la ministre,
Chères consœurs, chers confrères,
Mesdames et messieurs,
C’est la troisième fois que je vous présente les vœux de l’Association des journalistes de l’information sociale. Une chose est sûre est que c’est la dernière. Au ministère du travail, mon confrère, le président de l’Ajis, a présenté les vœux à trois ministres différents en trois ans. J’en déduis que, vous, vous n’êtes pas encore lassée des journalistes santé ! En tous cas, mon mandat de secrétaire générale se termine ce soir après notre assemblée générale et à l’issue d’une année bien chargée.
En effet, votre projet de loi nous a tenu en haleine tout au long de l’année dernière. Riche, touffu, technique parfois controversé et contesté, votre texte nous a donné du grain à moudre, des papiers à écrire et des sujets à monter. Et ce qui constitue une première, il a transformé quelques uns d’entres nous en apprentis lobbystes. L’occasion pour moi de comprendre que c’est un vrai métier ! Mais je dois tout d’abord vous remercier très sincèrement d’avoir pris en considération les inquiétudes que j’avais exprimées devant vous l’année dernière au sujet de l’article 47 sur les données de santé. Dans son état initial, le texte avait oublié les journalistes, ce qui aurait constitué un retour en arrière, pour l’accès à ces sources. C’est désormais réparé. Néanmoins, nous regrettons de ne pas avoir réussi à vous convaincre entièrement de nos arguments. La loi, parue hier au JO, prévoit, en effet, toujours que pour accéder aux bases de données nous devrons justifier de « l’intérêt public » de notre travail. Le problème est que cette notion devra faire l’objet d’un consensus entre les représentants d’acteurs aux intérêts aussi contradictoires que les caisses d’assurance maladie obligatoires et complémentaires, les associations de patients, les fédérations hospitalières, l’Etat ou les industriels de produits de santé, entre autres. Vous avez proposé que l’Ajis face partie de ce comité et nous vous en remercions. Mais comme vous l’avez dit vous même au Parlement, le travail des journalistes est, par nature, d’intérêt public, comme l’a effectivement toujours reconnu la Cour européenne des Droits de l’Homme. Pourquoi dans ce cas nous demander de nous justifier ? Et pourquoi maintenir dans la procédure cette étape qui pourrait se révéler réellement bloquante ? Le data journalisme est en plein expansion et il intéresse de plus en plus les journalistes sociaux. Pas seulement des jeunes journalistes de la génération dite Y. Nous ne pensons pas avoir été dans une démarche « corporatiste » et franchement encore moins politique. Notre seul souci est de pouvoir informer sur des sujets comme les dépassements d’honoraires, la qualité des soins ou la consommation des médicaments. Vous avez mis en avant votre responsabilité de préserver la vie privée des Français. Nous la partageons avec vous. Pendant les débats parlementaires, vous avez dit que vous faisiez la distinction entre les journalistes vertueux et ceux qui le sont moins. J’espère que vous m’accordez le bénéfice de la vertu ! Permettez-moi surtout de rappeler que depuis l’ouverture des données du PMSI il y a presque vingt ans, aucun manquement déontologique n’a jamais été constaté chez les journalistes. De plus, les nouvelles conditions techniques d’accès à la base de données rendent de fait impossible tout accès à des personnes, journalistes ou non d’ailleurs, mal intentionnées.
Plus traditionnellement, ces vœux sont aussi le moment de transmettre les petites récriminations de la profession. Et je suis aussi obligée de vous faire part des quelques déceptions que vous avez provoquées dans nos rangs. Déception que vous n’ayez pas honoré, cette année, notre invitation à un « grand RDV » de l’Ajis. Déception que votre cabinet n’ait pas organisé les décryptages de votre projet de loi que vous nous aviez promis l’année dernière, ici même. Déception d’autant plus forte que l’habitude des points off pour quelques journalistes triés sur le volet semblent perdurer. (ça me revient systématiquement aux oreilles). Bien sûr que le journalisme est un métier où la concurrence est forte mais nous la préférons quand elle est parfaite. Quels que soit les titres où nous exerçons, en poste ou à la pige, à l’Ajis, nous sommes tous très sincèrement attachés à « l’égal accès de tous aux sources d’informations » comme le disent nos statuts depuis bientôt 50 ans. Déception enfin que les rapports de l’IGAS ne soient toujours pas rendus publics systématiquement. Je sais que les promesses n’engagent que ceux qui y croient mais tout de même.
L’année 2015 a été très éprouvante. Journalistes spécialistes de questions de santé, nous côtoyons tous les jours les professionnels. Certains d’entre eux ont été en première ligne pour porter secours aux victimes des attentats. Ces vœux sont aussi l’occasion de leur rendre hommage.
Il ne reste plus qu’à vous présenter, madame, tous mes vœux pour cette nouvelle année, pour vous-mêmes, vos proches, les membres de votre cabinet et tous les personnels de ce ministère.
Je vous remercie.
Crédit photo : Sébastien Toubon.