Le projet de loi santé de Marisol Touraine, qui arrive ce mardi en séance à l’Assemblée nationale, ne se limite pas à la généralisation du tiers payant. Son article 47 traite de l’ouverture aux données du système de santé (statistiques de l’Assurance maladie et des hôpitaux, anonymisées). Pour les journalistes, c’est l’opportunité d’enquêter sur les dépassements d’honoraires, les inégalités d’accès aux soins et leur qualité, et de traquer les éventuels dysfonctionnements du système.
Or, la façon dont ce texte est rédigé aujourd’hui menace gravement la liberté d’informer, craint l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis, 300 journalistes), après analyse juridique du texte.
L’article 47 pourrait se trouver en contradiction avec des principes fondamentaux de la loi sur la presse de 1881, comme le contrôle préalable de publication, fondement de la censure.
Alors que des affaires comme le Mediator ont prouvé l’utilité des lanceurs d’alertes et de la presse pour mettre à mettre au jour des scandales sanitaires qui avaient malheureusement échappé aux institutions concernées, nous ne comprenons pas la volonté de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, de corseter l’accès de la presse aux données du système de santé.
Nous demandons donc, à l’occasion de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, que les ambiguïtés de ce texte soient levées afin que les conditions d’accès de la presse aux données de santé ne contreviennent pas à la liberté d’informer, à la loi de 1881 sur la presse, et à la jurisprudence en la matière de la Cour européenne des droits de l’homme.
Plus de détails :
L’article 47 prévoit de réorganiser les accès à « la plus grande base de donnée de santé du monde », dixit le ministère de la Santé. Celle-ci sera constituée des statistiques de l’Assurance maladie (tous les soins des médecins, des dentistes, des kinés, etc.) et de l’activité des hôpitaux (nombre d’opérations, etc..). L’objectif affiché par le gouvernement est de faciliter les études de santé publique ou médico-économiques. Après l’affaire du Mediator, il s’agissait en principe d’ouvrir un peu plus ces accès, dans des conditions sécurisées.
Malheureusement, le projet de loi est très restrictif. Le journaliste qui veut enquêter sur ces bases de données pourrait devoir soumettre sa méthodologie et le résultat de son enquête, avant publication, à un comité d’experts à la composition incertaine, ainsi qu’à une nouvelle instance, plutôt constituée de la société civile et d’acteurs économiques du secteur. Ce double contrôle du travail journalistique avant publication est inacceptable.
Sont en jeu, selon nous, le partage du bien public que sont les données de remboursement de l’Assurance maladie et de l’hôpital, agrégées, anonymisées et non réidentifiables ; ainsi que la liberté de la presse et le renforcement d’une presse d’experts, capable d’analyses approfondies et potentiellement critiques.
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