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Compte rendu du petit-déjeuner avec Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes)

En plein débat parlementaire sur le projet de loi travail, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) – qui représente plus de 70 000 entreprises employant un million de salariés – appelle à corriger un texte essentiellement tourné vers les grandes et très grandes entreprises. Ses dirigeants sont venus s’en expliquer lors d’une rencontre organisée par l’AJIS le 19 mai.

Quel regard portent les employeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) sur le projet de loi travail ? S’ils étaient intéressés par les intentions de départ du gouvernement (développement du dialogue social, souplesse et sécurité pour les employeurs, compte personnel d’activité…), l’heure est désormais à la “déception” dans les rangs de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes). Avant que le texte, adopté par le biais du 49-3 à l’Assemblée nationale, n’arrive en débat au Sénat au mois de juin, Hugues Vidor et Sébastien Darrigrand, président et délégué général de l’Udes, ont expliqué en quoi ce projet de loi risquait de nuire au secteur.

La concurrence par les coûts

C’est surtout l’inversion de la hiérarchie des normes qui inquiète les dirigeants de l’ESS, c’est-à-dire la primauté qui pourrait être accordée à l’accord d’entreprise quand bien même celui-ci serait moins favorable aux salariés que l’accord de branche. Une porte ouverte à une “dérégulation” du secteur, un texte “conçu pour les grandes entreprises, pour celles qui ont une organisation RH structurée”…, sauf que “dans l’ESS, 80 % des structures comptent moins de vingt salariés”, rappelle Hugues Vidor. Alors que “l’accord de branche est l’alpha et l’oméga de la relation d’emploi”, le projet de loi travail donne la primauté aux accords d’entreprise sur des sujets tels que la durée du travail, la majoration des heures supplémentaires, la mise en oeuvre du travail de nuit… “autant d’éléments qui ont un impact important sur le coût du travail”, déclare le président de l’Udes qui redoute que ne se développent des “solutions de moins-disant” accroissant “les disparités sur les territoires”. L’Udes regrette que l’amendement du député-rapporteur socialiste Christophe Sirugue, qui prévoyait de donner un rôle de vigie à des commissions paritaires de branche pour éviter tout dumping social, n’ait pas été retenu lors du passage à l’Assemblée nationale.

Rapprochement des branches

Autre thème important porté par le projet de loi El Khomri : la fusion des branches, lesquelles devraient passer de plus de 700 à 200 d’ici trois ans. L’Udes compte bien être partie prenante à la discussion. “Nous, ce qui nous importe c’est la qualité du dialogue social. Par exemple, la branche des missions locales ne compte que 10 000 salariés mais les accords signés sont nombreux grâce à un dialogue de qualité. Nous ne sommes pas contre les rapprochements ou les suppressions de branches où rien ne se passe, il faut seulement éviter toute forme de diktat et travailler en lien avec les partenaires sociaux”. 

Représentativité accrue dans les instances du dialogue social

Alors que l’annonce été faite il y a plusieurs mois déjà, l’Udes a cette fois obtenu la garantie auprès de la ministre du travail, Myriam El Khomri, que les trois décrets qui lui permettront d’intégrer le Haut conseil du dialogue social, le Conseil d’orientation des conditions de travail et le Conseil supérieur de la prud’homie paraîtront ce “mois de mai”. Celui lui permettant de siéger à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), pour ainsi prendre part aux discussions sur le rapprochement des branches, sera publié après le vote de la loi travail.

L’Udes ne compte pas s’arrêter là, ses dirigeants jugent important que “le statut multiprofessionnel soit reconnu à plein régime”, ils ne se satisfont pas de l’organisation du dialogue social sous sa forme actuelle. Le statut d’organisation “multiprofessionnelle” reconnue à l’Udes (ainsi qu’à l’UNAPL pour les professions libérales et à la FNSEA pour les exploitants agricoles) par la loi du 5 mars 2014, ne lui permet pas de négocier les accords nationaux interprofessionnels (Ani). Seules les trois organisations patronales que sont le Medef, la CGPME et l’UPA peuvent négocier des Ani ; non présents dans les secteurs du commerce ou de l’industrie, les “multiprofessionnels” en sont exclus. Au grand dam de l’Udes, qui ne peut pas faire valoir les spécificités de l’ESS dans les négociations interpro, dont les résultats sont souvent traduits ensuite dans la loi.

L’Udes, l’UNAPL et la FNSEA ont donc écrit au Premier ministre, Manuel Valls, pour leur présenter deux revendications : avoir un représentant des trois multiprofessionnels présent lors des négociations interprofessionnelles et leur laisser un délai de deux mois pour adapter l’Ani avant la transposition législative. Côté financement, pour pouvoir exercer au mieux ses fonctions d’organisation patronale (et garantir la “biodiversité” patronale), l’Udes plaide pour une hausse de la subvention publique qui lui est versée : actuellement de 120 000 euros par an, l’Union aimerait qu’elle soit portée “au moins au double”.

Crédit photo : Linda Daovannary
Hugues Vidor (à gauche) et Sébastien Darrigrand (à droite), respectivement président et délégué général de l’Udes.

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